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Résumé

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A propos de l’Auteur

Copyright

L’identité de Cain

(Les Vampires Scanguards – Tome 9)

 

Tina Folsom

 

Résumé

 

Garde du corps chez Scanguards, Cain lutte contre l’amnésie. Toutefois, le voile sur son passé commence enfin à se lever lorsqu’un mystérieux étranger fait son apparition et révèle la tentative d’assassinat dont Cain a été victime. Ce dernier découvre non seulement qu’il est le puissant roi d’une communauté de vampires, mais qu’il est, de surcroît, fiancé à Faye Duvall, la femme vampire qui hante ses rêves.

Dévastée en croyant à la mort de Cain, Faye parvient à tenir bon, car elle sait que le clan a besoin d’elle. Par loyauté et amour envers ses semblables, elle accepte d’épouser Abel, le frère de Cain. Lorsque celui-ci revient revendiquer son trône, elle en est bouleversée.

Cain est déterminé à reconquérir l’amour qu’il a, jadis, partagé avec Faye. Mais faisant preuve d’une cruauté sans limite, l’assassin n’abandonne pas. Avec le soutien de ses loyaux amis de Scanguards, Cain se retrouve soudain impliqué dans un combat à mort et se voit confronté à un choix : sauver son royaume ou sa reine.

 

Les livres de Tina Folsom

 

Les Vampires Scanguards

 

Le Club des éternels célibataires

 

Code Phénix

 

1

 

Si le péché avait été une femme, il lui aurait ressemblé, incontestablement.

De longs cheveux foncés tombant en cascade sur ses épaules dénudées venaient caresser sa robe-bustier, robe qui accentuait la volupté de ses seins. Cintrée à la taille, la soie rouge retombait jusqu’au bas des jambes et par-dessus de jolis orteils qui dépassaient des sandales dorées à hauts talons.

Lorsqu’elle fit mine de s’en débarrasser d’un coup de pied, Cain lui proféra un ordre.

— Garde-les.

Il fit une pause et poursuivit.

— Enlève tout le reste.

Elle laissa échapper un léger rire aussi délicat qu’un murmure dans le vent.

— Oh, Cain, dit-elle, d’une voix traînante au léger accent du Sud, laquelle enflamma son entrejambe et emplit de désir son corps tout entier.

— Tu sais à quel point j’aime ça quand tu me fais un strip-tease.

Il lança la veste de son smoking sur un fauteuil et jeta un coup d’œil tout autour de lui.

La suite, grande et opulente, consistait en une chambre et un salon reliés entre eux par une grande double porte ouverte. L’absence de fenêtres faisait de cette suite une résidence idéale pour un vampire, car elle procurait sécurité de même qu’intimité. D’inestimables œuvres d’art ornaient les murs, et d’élégants meubles prodiguaient une atmosphère digne d’un roi. Quoiqu’elle se situât en sous-sol, ce n’était pas une caverne. C’était une forteresse impénétrable.

La séductrice fit un pas vers lui, son corps se déplaçant avec la grâce d’une tigresse s’approchant de sa proie. Et Cain aurait tout aussi bien pu être cette proie, quoiqu’une proie très disposée. Tout comme elle était la sienne.

Lorsqu’elle entrouvrit les lèvres, il aperçut ses canines en train de s’allonger.

— On commence sans moi, mon amour ? demanda-t-il en secouant la tête en guise de douce réprimande, tandis qu’au même moment, la bête en lui se réjouissait de la réaction primaire que sa partenaire affichait tout en se préparant à réagir de la même manière.

Un vampire n’avait que deux raisons de montrer ses canines : par désir de sang ou de sexe.

Et il était certain que ce beau spécimen, lequel amenait à présent les mains derrière le dos afin de baisser la fermeture éclair de sa robe, n’avait pas faim de sang. Cela n’aurait toutefois pas dérangé Cain de la mordre tout en l’empalant sur son membre. Ce souvenir se manifesta à présent sur sa langue. Si doux, si riche, si empreint de passion. Un étrange sentiment de nostalgie et de perte vint le frapper, mais ce dernier disparut tout aussi vite et laissa place à de plus agréables pensées.

Ses gencives le démangèrent, et il permit à ses canines de pointer, se préparant à ce qui était à venir. L’anticipation le chauffa intérieurement, dissipant ainsi la fausse croyance que les vampires étaient froids. Entrouvrant les lèvres, Cain conscientisa la belle de son désir pour elle, quoiqu’il fût certain que la lueur rouge dans ses yeux l’eût déjà trahi.

Son sang lui martelant les veines, il la regarda ôter le tissu rouge de son torse. L’air se coinça dans sa gorge lorsqu’elle dénuda ses mamelons roses déjà durcis et au garde-à-vous pendant que, des mains, il lui caressait nonchalamment la peau, et qu’elle repoussait sa robe plus bas que le niveau de ses hanches. Emprisonné par ces généreuses proportions qui, de nos jours, étaient peut-être moins habituelles, le vêtement se coinça à cet endroit pendant un moment. Les femmes aux formes si généreuses étaient rares, et peut-être était-ce une des raisons pour lesquelles Cain était si fasciné par elle. Si attiré par elle.

Il s’imagina en train d’enfoncer les doigts dans ses hanches, la maintenant pendant qu’il assénerait de grands coups à l’intérieur de sa douceur. Elle était presque aussi forte que lui et, dès lors, le fait de savoir qu’il pouvait la prendre aussi violemment qu’il le voulait se manifesta par la volonté de ses doigts de se transformer en griffes, griffes de la bête qui vivait en lui. Mais, non désireux d’abîmer cette peau parfaite qui recouvrait la chair si alléchante, il réprima ce besoin irrépressible. Pas plus qu’il ne voulut lui rappeler la violence qu’elle avait connue dans son passé, la douleur qu’elle avait endurée sous les mains cruelles d’un maître. Il n’autoriserait plus jamais quiconque à lui faire du mal. Pas même lui.

— Encore ! exigea à présent Cain, remarquant, ce faisant, le changement dans sa voix. L’enrouement attestait de son état d’excitation. Il baissa les paupières et jeta un coup d’œil à l’avant de son pantalon. Il était difficile de ne pas remarquer la protubérance qui s’y était formée. Il n’essayait même pas de la lui cacher. Il voulait lui montrer l’effet qu’elle avait sur lui, l’étendue du pouvoir qu’elle exerçait sur lui.

— Oh, je ne sais pas si tu pourras en supporter davantage.

Un impertinent sourire souligna ces paroles.

Il fit un pas vers elle, tandis que ses mains s’affairaient à le débarrasser de son nœud papillon et de sa chemise à la vitesse du vampire. Il les lança tous deux sur le fauteuil afin qu’ils pussent tenir compagnie à sa veste.

— Quelque peu impatient ?

— Fais comme je le dis ! ordonna Cain, la poitrine se soulevant sous l’effort que conserver un minimum de courtoisie lui coûtait, alors qu’en lui, le vampire faisait rage du besoin de la prendre, de la faire sienne.

Des mains élégantes poussèrent la robe au-dessous des hanches, faisant ainsi tomber le vêtement au sol en un doux zou. Mais Cain ne regarda pas ce qui traînait à présent aux pieds de la séductrice. Il fixa plutôt le sombre triangle de poils gardien de son sexe.

L’eau à la bouche, ses yeux dérivèrent jusqu’à son visage.

— Tu ne portais rien en-dessous ?

Elle l’admit par un sourire de pécheresse.

Se dépêtrant les pieds de la robe, elle avança à grands pas vers lui, ses hauts talons claquant sur le plancher et faisant écho dans le vaste espace dépourvu de fenêtres.

Le sexe de Cain était à présent rigide, poussant douloureusement contre sa fermeture éclair. Instinctivement, sa main se dirigea à cet endroit, mais la séductrice fut plus rapide. La chaleur de la paume de sa main l’engloutit instantanément, lui envoyant un frisson à travers tout le corps qui lui fit presque perdre le contrôle. Imprégné de désir, l’air ambiant se mit à ronronner.

— Tu as un cadeau pour moi ? murmura-t-elle en se frottant contre lui, tandis que, de la main, elle pressait la chose dure qu’il y avait dans son pantalon.

— Un cadeau multiple.

Cain glissa la main sur la nuque de sa partenaire et attira son visage vers lui de sorte que leurs lèvres ne fussent plus qu’à quelques millimètres de distance. Si proches, et pourtant si lointaines.

— Tu m’as manqué, ajouta-t-il.

Le souffle qu’elle émit en ouvrant la bouche vint rebondir contre le sien. Il l’inhala, autorisant son parfum à remplir ses poumons et à le doper.

— Qu’est-ce qui t’a le plus manqué ? Mes lèvres sur ton sexe ? Moi te chevauchant ? Ton engin qui s’enfouit en moi ?

Quoiqu’il aimât toutes ces suggestions, il riposta.

— Je pense que tu oublies quelque chose.

Il lui caressa un côté du cou et traça la veine bien dodue sous sa peau. Le pouls vint cogner contre la pulpe de ses doigts, comme pour signaler son consentement.

— Mes canines dans ton cou, ajouta-t-il.

Elle inspira, et sa poitrine vint se presser tout contre la sienne.

— Je n’ai pas oublié. Je garde toujours une place pour le dessert.

Sur cette dernière parole, Cain lui captura les lèvres et l’embrassa. Il n’y avait rien de timide ou d’hésitant dans ce baiser, pas plus que dans la manière dont elle y réagit. Il goûta à sa douceur sur sa langue, tandis qu’il fouillait en elle et lui montrait qui était le maître. Et pourtant, elle n’était nullement soumise. Elle répondait à son baiser comme une égale, une femme vampire forte qui savait ce qu’elle voulait. Il pouvait le sentir à chaque caresse de sa langue contre la sienne, à chaque fois que ses lèvres glissaient sur sa bouche, et à chaque poussée des hanches qu’elle assénait contre son bas-ventre. Elle le voulait, et le savoir ne fit qu’accroître son désir pour elle.

Les doigts de Cain s’ouvrirent en éventail et glissèrent dans ses cheveux avant de lui enrober l’arrière du crâne. Les soyeuses boucles brunes lui caressèrent la main, lui remémorant les précédentes rencontres de ce type. Lui rappelant avoir trouvé l’extase dans ses bras, par le passé.

Les doux soupirs qu’elle émit dérivèrent vers ses oreilles, tandis que la rapidité de ses battements de cœur retentissait dans sa poitrine, faisant écho aux siens. Son autre main se dirigea plus bas, glissant le long de la courbe de son dos vers son joli postérieur. Alors qu’il l’enrobait et la tirait plus fort contre lui, elle gémit dans sa bouche avant que sa langue ne vînt lui fouetter une canine.

Haletant fortement, Cain arracha ses lèvres des siennes.

— Putain !

Se faire lécher les canines était la chose la plus érotique qu’un vampire pût expérimenter, à moins d’avoir un véritable rapport sexuel. Et bien qu’elle lui eût déjà léché les canines par le passé, cet intense plaisir qui lui parcourait à présent le corps le réduisit presque à néant.

— Je sais que c’est ce que tu veux, l’amadoua-t-elle, le regard séducteur.

Il prononça un juron, l’agrippa, fit quelques pas vers le mur et l’y poussa, toute patience s’en étant allée, volatilisée.

— Comme tu veux.

Puis, il lui captura à nouveau les lèvres. Ce ne serait qu’un court interlude si elle continuait à user de ses atouts de la sorte. Mais, bon Dieu, il ne voulait pas l’arrêter. Il tenta plutôt d’ouvrir son pantalon d’une main jusqu’à ce qu’il sentît celles de sa partenaire venir l’y aider. De toute évidence, elle était toute aussi impatiente que lui.

Quelques instants plus tard, son pantalon de smoking tomba à terre. Il portait toujours ses chaussures de ville, mais ne prit pas le temps de les enlever. Pas plus que ses chaussettes. Il laissa plutôt son pantalon retomber sur ses chevilles. Elles ne le gêneraient pas dans ses mouvements –du moins pas dans le genre de mouvements qu’il était sur le point d’entamer.

Cain lui saisit les cuisses et la souleva tout en continuant à lui presser le dos contre le mur. Il lui écarta les jambes et exposa son sexe bien lubrifié. Il baissa les yeux, bascula les hanches en arrière et ajusta son angle. Lorsque le bout de son membre toucha les grandes lèvres, il inspira fortement. Il avait eu raison : ceci ne durerait pas longtemps du tout.

— J’en ai besoin, l’encouragea-t-elle. J’ai besoin de toi.

Cain plongea en elle sans préambule, prit place dans la chaleur de son canal, ses testicules venant claquer contre la chair, brûlantes sous la force de l’impact. La première fois ressemblait toujours à cela, intense, urgente. Plus tard dans la nuit, il prendrait son temps mais, dans l’immédiat, il avait besoin d’apaiser l’envie qu’il avait d’elle.

De l’air se précipita hors des poumons de la belle.

— Cain ! Oui !

Elle était parfaite, mieux que toute autre chose dans sa vie. Comme si elle était la solution à tous ses problèmes, à toutes ses inquiétudes. Comme si elle pouvait encore tout arranger.

Ses yeux rencontrèrent les siens et, lentement, Cain commença ses mouvements de va-et-vient en elle. Les yeux verts de sa partenaire étaient à présent rouges, signe que son côté vampire la dominait. Cain fut pris d’un sentiment de possessivité, et la pensée qu’elle pût jamais se trouver dans les bras d’un autre homme agita la bête qui était en lui. La colère le prit au bide, et il grogna tel un animal.

— Tu es à moi !

Les yeux brillants, elle inclina la tête sur le côté, dévoilant ainsi la pâleur de son cou.

— Alors, fais-moi tienne.

Sans réfléchir, il enfonça les canines dans son cou et perça la peau chaude. Du sang riche vint lui toucher les canines et lui remplir la bouche. Tandis que ce sang coulait dans sa gorge et l’enveloppait, plus en bas, son propre sang martelait ses veines, remplissant davantage son sexe. Et à chaque aspiration sur la veine et à chaque coup en avant dans la féminité de sa partenaire, son côté sauvage grandissait.

Désireux de lui dire ce qu’elle représentait pour lui, il ôta ses canines durant un instant. Il entrouvrit les lèvres afin de parler, mais son prénom ne roula pas sur ses lèvres. Il tenta à nouveau, mais sans succès. Il la regarda droit dans les yeux et y vit de la confusion.

— Qui es-tu ? murmura-t-il.

Avant même qu’elle n’eût pu lui fournir une réponse, les yeux colorés d’incrédulité, Cain sentit une douleur aigüe lui percer le crâne. Toujours enfoui en elle, il stoppa ses mouvements.

Sa vision s’obscurcit. Il amena une main sur son visage et sentit couler ce liquide chaud et gluant. Il le flaira également. L’odeur métallique était reconnaissable entre toutes.

Du sang. Du sang sortait de son crâne. Il posa la main un peu plus en haut et y sentit un trou. Du sang en jaillissait.

— Non ! hurla-t-elle. Non ! Ne me laisse pas !

Il ne pouvait plus voir son visage et, soudain, il ne tenait plus rien, comme si elle lui avait glissé des mains. Il la chercha dans l’obscurité, mais tout ce qu’il sentit fut le vide. De la désolation. Du désespoir.

Était-il mort ?

— Non ! hurla Cain.

Mais elle ne lui répondit pas. Elle était partie.

Soudain, sa vision s’éclaircit, et une source de lumière attira son attention. Quelque chose de rouge clignotait. Il y focalisa le regard. Des nombres apparurent. 07:24. Il fixa cette apparition. Il lui fallut une seconde pour réaliser qu’il regardait une horloge digitale.

D’un mouvement brusque, Cain se mit en position assise.

La pièce dans laquelle il s’était trouvé avait disparu et était remplacée par une chambre avec peu d’effets personnels. Pas la moindre opulence. Aucun luxe. Juste une simple chambre à coucher avec un grand lit, une commode et une chaise sur laquelle des vêtements de tous les jours reposaient. Aucun smoking en vue.

Cain laissa courir une main tremblante à travers ses cheveux ultra courts et réalisa qu’il baignait dans sa sueur.

Il fut empli de regret. Tout cela n’avait été qu’un rêve : la femme, la pièce, le sang.

Rien n’était réel. Tout comme lui-même. Car, comment pouvait-il être réel quand il ne se rappelait rien de son passé ?

Depuis plusieurs mois maintenant, il faisait ces rêves. De différents, mais tous impliquaient la même femme, et tous se terminaient de la même façon : avec du sang jaillissant de son crâne. Comme s’ils étaient un avertissement que quelqu’un essayait de lui adresser. Ou un message du passé.

Cain balança les jambes hors du lit et secoua la tête. Rêve qu’il avait pris pour la réalité ! Un peu plus d’une année plus tôt, il s’était réveillé, une nuit, sans le moindre souvenir. Une voix masculine était tout ce dont il se rappelait. Ton nom est Cain, avait dit l’homme. Autant il avait tenté d’en découvrir à propos de son passé, autant il n’avait encore rien trouvé.

Il était hanté par les rêves qui lui balançaient des informations sans pour autant ne jamais le laisser se rapprocher suffisamment pour en capturer un et l’analyser. Cela l’avait rendu irritable et imprévisible. Ses collègues de Scanguards, là où il travaillait en tant que garde du corps, avaient commencé à le remarquer et l’évitaient à chaque fois qu’il se trouvait dans une de ses sombres humeurs.

Et en ce moment précis, une de ces sombres humeurs était en train de l’envahir et le flagellait à coups de désespoir et de désolation, tel un tortionnaire en train de le fouetter. La douleur le paralysait et faisait en sorte qu’il voulût infliger la même aux autres. Mais il n’y avait personne sur qui faire passer sa colère.

Une sonnerie vint soudain pénétrer le silence de sa chambre. Il se tourna vers la table de chevet et tendit la main vers son téléphone portable.

— Ouais ?

— Putain, mais où es-tu ?

Cette voix grave et furieuse était celle d’Amaury, un de ses supérieurs chez Scanguards.

La colère se mit à bouillir en Cain. Il n’appréciait pas le ton employé par Amaury, pas plus qu’il n’aimait être questionné à propos de l’endroit où il se trouvait. Il détestait être commandé.

— Bordel, qu’est-ce que tu veux ? répondit Cain en haussant la voix.

— Tu étais censé patrouiller, ce soir ! grogna Amaury. Et ne prends pas cette putain d’attitude avec moi. Je suis ton patron !

Cain sauta du lit et cogna du poing contre la cloison sèche, y laissant une bosse.

— Je n’ai pas besoin d’un patron ! Je suis mon propre maître !

Au moment où il le dit, il sut que c’était la vérité. Il n’était pas habitué à ce que quelqu’un lui dît ce qu’il avait à faire. Il avait l’habitude de donner les ordres.

À l’autre bout de la ligne, Amaury respira fortement avant de donner sa réponse.

— Très bien ! Tu veux qu’on mette ça au clair, une fois pour toutes ? J’en ai marre de ton attitude, ces derniers temps. Je pense que c’est le moment d’avoir une conversation afin que tu comprennes qui est en charge, ici.

La façon dont il parlait indiqua clairement à Cain que ce serait un genre de discussion très physique.

— Chez moi. Dans dix minutes, ou tu te débrouilles tout seul.

Cain releva le défi.

— D’accord !

Une bagarre avec le vampire à la carrure d’un déménageur était juste ce dont il avait besoin dans l’immédiat. Peut-être se sentirait-il alors mieux.

2

 

Le jardin d’hiver était aussi beau la nuit qu’il n’était mortel durant la journée. Recouvert par du verre à l’épreuve des balles sur trois côtés, il ne protégeait pas du soleil.

Faye leva les yeux vers le ciel étoilé. L’observait-il, depuis là-haut ? Ou les vampires étaient-ils condamnés à brûler en enfer quand ils rencontraient la vraie mort ?

Elle ne pouvait se souvenir du nombre de fois où elle avait fixé le ciel, la nuit, à se poser ces questions depuis sa mort. Chaque fois qu’elle le faisait, elle ressentait le même genre de nostalgie, le même genre de vide. Mais la vie devait continuer. Elle le savait. La fin du deuil était proche.

Des pas lui firent comprendre qu’elle n’était plus seule. Même avant de se retourner, elle sut qui était entré dans le jardin d’hiver depuis la maison. Enfin, on ne pouvait pas réellement l’appeler maison. C’était un palace.

Faye inclina légèrement la tête avant de lever les yeux vers le visiteur.

— Majesté.

— Faye, Faye, combien de fois t’ai-je dit qu’il n’y a aucune formalité entre nous. Pour toi, je suis toujours Abel. Et le serai toujours. De plus, je ne suis pas encore roi.

— Naturellement.

Elle autorisa ses yeux à errer sur lui. Il y avait des jours où elle pouvait à peine le regarder, tant il lui rappelait l’homme qu’elle avait perdu. L’homme qu’elle avait aimé.

Abel désigna un banc, lui faisant signe de s’y asseoir en sa compagnie. Elle prit place, et il la rejoignit.

— Je suis venu te parler.

L’estomac de Faye se noua instantanément. Elle savait de quoi il s’agissait. Elle avait également compté les jours, pour d’autres raisons, cependant.

— Il nous manque tous, commença Abel.

Faye pinça les lèvres, réprimant les émotions qui menaçaient de la submerger et de la priver de toute clairvoyance. Elle se devait de demeurer forte.

— Le temps est presque venu.

Elle acquiesça d’un hochement de tête.

— Un an, un mois, et un jour. Je l’ai écrit sur mon calendrier.

Quoique cela n’eût pas été nécessaire. Elle se souviendrait toujours de cette horrible journée où on lui avait volé l’amour de sa vie.

— Oui, dans moins de deux semaines, son règne officiel prendra fin, et le nouveau roi sera couronné.

— Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi il y a une si longue période entre la mort d’un roi et l’intronisation de son successeur, dit Faye afin de combler, par des mots, le vide qu’il y avait entre eux.

Abel lui prit la main et la serra. Elle frissonna intérieurement, mais le laissa faire. Bientôt, il serait son roi, et sa destinée se trouverait entre ses mains. Les privilèges dont elle avait bénéficiés en tant que fiancée du défunt roi expireraient au couronnement du nouveau. Elle perdrait sa maison, son standing dans leur société, son influence. Quoique, de toute façon, plus rien n’eût encore de l’importance à ses yeux. Seul l’amour pour les vampires qui seraient devenus ses sujets, si son fiancé avait vécu, l’avait fait rester. Sans cela, elle aurait complètement quitté le clan.

— C’est pour donner du temps au peuple de faire son deuil, sans avoir à prêter allégeance au nouveau roi alors qu’il pleure encore l’ancien, expliqua Abel.

— Néanmoins, cela doit être dur pour le roi en attente.

— En tant que régent, je détiens déjà plusieurs des pouvoirs du roi. Et cela me donne une chance d’apprendre à mieux connaître mes sujets et de savoir ce qu’ils attendent de moi.

Il rapprocha la main de Faye de son propre visage.

— Ou ce que j’espère d’eux, ajouta-t-il.

Faye en eut le souffle coupé.

— Oui, oui, bien sûr.

Elle se leva, ce mouvement l’amenant à relâcher sa main, et se dirigea vers un parterre d’arbustes surélevé. Elle attrapa la paire de cisailles et commença à les tailler.

Depuis ce jour horrible, un an auparavant, aucun homme ne l’avait touchée. Penser aux mains ou aux lèvres d’un autre sur elle l’affola, et elle ressentit cette sensation de panique tout le long de sa colonne vertébrale. Elle savait qu’elle devait faire quelque chose à ce sujet, mais ce soir n’était pas le moment opportun.

Derrière elle, Abel se leva à son tour du banc. Elle entendit ses pas se rapprocher.

— Des décisions doivent être prises. Comme tu le sais, bientôt—

— Je sais, l’interrompit-elle. J’y ai pensé. Je me prépare à partir.

Une fois de plus, elle se retrouvait sans protection. La dernière fois que cela s’était produit, elle était tombée sous la coupe de vampires des plus cruels.

Lorsque les mains d’Abel lui étreignirent les épaules, elle inspira afin de tenter de se calmer.

— Je ne suis pas venu te demander de partir. Je suis venu te demander de rester.

Faye tourna la tête à moitié.

— Mais la loi qui régit le clan est claire à ce sujet.

— Je me fiche de la loi du clan. Dans deux semaines, ma parole sera la loi.

Surprise par ce ton brusque, la fréquence cardiaque de Faye doubla immédiatement. Elle savait qu’il la percevrait. L’ouïe d’un vampire était suffisamment fine. De plus, les mains d’Abel reposaient toujours sur ses épaules et, en la touchant, il ressentirait non seulement son rythme cardiaque, mais percevrait également le sang qui se précipitait dans ses veines tel un train en folie.

— Oublie ce que j’ai dit, ajouta rapidement Abel. Tout ceci n’a rien à voir avec la loi. C’est de toi dont il s’agit. Tu étais destinée à être reine. Les membres de notre clan t’aiment. Ton rêve n’a pas à cesser avec mon couronnement.

Ces paroles implicites furent immédiatement assimilées. Lorsqu’il la retourna afin qu’elle lui fît face, elle voulut éviter son regard mais, par respect du rang qu’il occupait, elle n’en fit rien.

Ses yeux sombres la regardaient avec une intensité qu’elle avait toujours aimée chez son frère. Mais chez Abel, celle-ci la terrifiait. Ou était-elle tout simplement effrayée parce que cela signifiait qu’elle allait devoir finalement admettre qu’il était temps d’avancer et de se débarrasser des souvenirs qu’elle chérissait, les souvenirs de son véritable amour ?

— J’ai besoin d’une reine. Une femme comme toi, qui soit aimée par ses sujets. Je sais que je ne suis pas comme lui. Jamais je ne pourrai être le chef intègre qu’il était. Mais avec toi à mes côtés, avec toi pour me guider et me montrer ce qu’il aurait fait à ma place, je peux être un bon roi. J’ai besoin de toi.

Faye le chercha des yeux, tentant de voir ce qui se cachait derrière ces mots, derrière ce visage qu’il lui montrait. Le pensait-il vraiment ? Avait-il réellement besoin d’elle afin d’être le genre de roi dont leur vaste clan avait besoin ? Et pouvait-elle vraiment l’aider à être cet homme ? Était-ce sa vocation ? Être reine afin qu’il pût être roi ?

Sa poitrine se souleva, tandis qu’elle prenait une inspiration.

— Je ne sais pas, Abel. J’aimais ton frère.

Abel appuya un doigt contre ses lèvres.

— Et il t’aimait. Il voudrait cela pour toi. Il voudrait que tu aies ce qui t’était destiné. Il voudrait que tu passes à autre chose et sois à nouveau heureuse. Te voir sourire à nouveau. Je me souviens de ce sourire. Mais je ne l’ai plus vu depuis si longtemps.

Elle baissa les paupières et hocha la tête.

— C’est difficile de surmonter la mort de quelqu’un d’aussi…

Elle ne put même pas poursuivre le fil de sa pensée, pas plus que prononcer son nom sans risquer de fondre en larmes.

— Accorde-moi une chance, dit doucement Abel.

— Tout ceci est si inattendu. J’ai besoin de temps pour y songer, répondit-elle rapidement, ne cherchant qu’à gagner du temps sans l’offenser. C’était une décision qu’elle ne pouvait prendre sans réfléchir aux conséquences. Elle n’aimait pas Abel. Il était tellement différent de son frère. Alors que ce dernier avait été aimable et clément, Abel était dur et sévère. Leur personnalité ne pouvait être plus différente l’une de l’autre.

Faye voulut crier afin de déplorer la mort du meilleur des frères. Si seulement, cette nuit-là, elle l’avait gardé dans ses bras. Il serait toujours en vie. Il serait toujours roi, et elle serait toujours sa compagne de sang-lié et sa reine.

— Fais-le pour le clan, si pas pour moi.

Faye regarda derrière lui, les yeux scrutant l’obscurité régnant à l’extérieur du palais dans lequel elle vivait. Celui-ci était vaste, une énorme structure construite comme une forteresse, impénétrable et impressionnante. Un grand palais pour un grand clan, un clan qui s’étendait sur toute la Louisiane et débordait en dehors de ses frontières. Ce clan était si secret, quoique si influent bien au-delà de ses limites territoriales, que peu de vampires à l’extérieur avaient connaissance de son existence. Tous les rois précédents avaient voulu qu’il en fût ainsi, l’anonymat garantissant la sécurité.

Les traditions étaient toujours bien ancrées dans le clan. Les lois selon lesquelles ils vivaient avaient été transmises par leurs fondateurs. Néanmoins, le château, lequel était dissimulé dans une zone boisée isolée au nord d’Orléans, était équipé d’un système de sécurité dernier-cri, et les espaces d’habitation étaient modernes. Tout comme cela incombait à un roi. Les gardes et autres membres importants du clan vivaient au palais, tandis que les autres vampires avaient élu domicile dans des bâtiments à proximité, sur des terrains bien entretenus du domaine.

Les yeux de Faye dérivèrent de nouveau vers Abel.

— Tu mérites une compagne qui t’aime.

Il sourit.

— Je me contenterai d’une qui pourra, un jour, apprendre à m’aimer.

Elle soupira.

— Je ne sais pas.

— Nous pourrions être couronnés, ensemble, dans deux semaines, si tu dis oui.

Elle déglutit difficilement.

— Je te donnerai ma réponse. Bientôt.

Elle se retourna ensuite rapidement et se précipita par la porte ouverte du corridor. Elle se heurta à quelqu’un et, sous le choc, leva les yeux.

— Toutes mes excuses, Faye, dit-il. Je ne voulais pas t’effrayer.

— John, euh, tu ne m’as pas fait peur, mentit-elle, désireuse de s’éloigner de lui aussi rapidement que possible.

John était grand et large, un vampire fort à la main rapide et à l’esprit vif. C’était ces qualités qui avaient fait de lui le chef de la garde d’élite du roi, le petit groupe de vampires soigneusement sélectionnés qui protégeaient les souverains.

Mais John avait failli à sa tâche vis-à-vis de son roi. Ce dernier avait été assassiné sous sa surveillance. Lorsque Faye avait vu les cendres révélatrices ainsi que la chevalière à terre, soit ce qui restait de son amant, elle avait accusé John d’avoir négligé son devoir. De honte, il avait baissé la tête et avait accepté, stoïque et silencieux, les paroles de haine qu’elle lui avait adressées sans même jamais tenter de lui présenter ses excuses.

Elle n’avait jamais compris pourquoi Abel n’avait pas puni John. Si elle avait été en position de proférer des ordres, elle aurait exigé son exécution pour avoir failli à la sécurité du roi.

Elle fit une pause pendant un moment. Peut-être Abel était-il meilleur que ce qu’elle ne l’en avait cru capable, et peut-être était-ce elle la méchante d’avoir voulu punir le chef de la garde du roi.

3

 

Non seulement Amaury vivait dans l’un des quartiers les plus minables de San Francisco, mais, de surcroît, il y possédait tout un building à appartements. L’appartement-terrasse du bâtiment était leur chez-eux, à Nina, sa compagne humaine, et à lui, comme ils l’appelaient tous deux. Lorsque Cain avait un jour interrogé son semblable quant à la raison pour laquelle il avait acheté la propriété, Amaury avait dit que personne d’autre n’en avait voulu et qu’elle était devenue bon marché.

Cain leva les yeux vers ce building à appartements de six étages et remarqua la lumière provenant de celui du dessus. Une ombre assez large se mut devant une des grandes fenêtres, ensuite, une plus petite la rejoignit jusqu’à ce que les deux se fondissent en une seule silhouette. Une seconde plus tard, celle-ci s’éloigna de la fenêtre.

Cain ne dut pas attendre longtemps. Apparemment, Amaury était tout aussi désireux que lui d’en finir avec ça. Le bruit d’une porte qui s’ouvre lui parvint et, un instant plus tard, Amaury émergea.

Le garde du corps aux longs cheveux bruns à hauteur d’épaule était bâti comme un char d’assaut. Techniquement, Amaury n’était plus garde du corps ; il était un directeur de Scanguards mais, malgré son grade dans la compagnie, il aimait se salir les mains.

Amaury fit un signe de la tête et s’engagea dans l’allée longeant le bâtiment. Cain le suivit sans un mot et, lorsque qu’Amaury s’arrêta devant une benne à ordures, Cain s’immobilisa à environ un mètre de lui.

— Putain, mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? demanda Amaury sans le saluer.

Cain étira les épaules vers l’arrière et élargit instinctivement sa posture. Il était prêt pour ce combat.

— Je n’aime pas le ton que tu emploies.

— Je suppose que nous avons ça en commun. Parce que je n’aime pas le tien, non plus.

Amaury le regarda furieusement et poursuivit.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Quand nous t’avons embauché, je pensais que nous avions touché le gros lot ! De tous les gardes du corps que je connais, tu t’es avéré être le plus instinctif. Comme si cela était inné chez toi ! Et regarde-toi, maintenant !

Cain fit un pas vers lui en serrant les poings.

— Rien n’a changé !

— Mon cul que ça n’a pas changé ! Depuis le mariage d’Oliver, il y a trois mois, tu es négligent ! Tu ne te pointes pas pour assurer tes gardes. Et quand tu le fais, tu es d’une humeur infecte !

— Mon humeur ne regarde que moi, ce ne sont pas tes affaires ! grogna Cain, les dents serrées.

Amaury plissa les yeux.

— Ce le sont quand tu deviens un connard insubordonné !

Il lui montra ses canines.

— Il y a des règles si tu veux continuer à travailler pour Scanguards, ajouta-t-il. Et tu ferais mieux de les respecter ou—

D’elle-même, la main de Cain arriva comme une flèche et claqua Amaury contre la benne à ordures, comme si quelqu’un d’autre avait pris le contrôle de son corps.

— Tu penses que tu peux me commander ?

Son instinct lui dictait qu’il n’avait pas pour habitude de suivre des ordres. Il était destiné à les donner.

Amaury le repoussa en faisant usage des deux mains pour le catapulter contre le mur du bâtiment.

— Maintenant, tu vas m’écouter, toi, petite merde ! Samson et moi avons convenu de ceci. Soit tu respectes ces putains de règles, soit tu es dehors. Tu me comprends ?

Ainsi, ils avaient tous conspiré derrière son dos. C’était tout simplement parfait ! Sacrément parfait !

— Va te faire foutre, Amaury ! Allez tous vous faire foutre !

Mais simplement maudire Amaury n’était pas suffisant. Lui balancer des mots ne le satisfaisait pas. Seule une chose pouvait à présent le faire.

Cain leva le poing et asséna un uppercut dans le menton d’Amaury, faisant ainsi tituber à reculons ce balourd de vampire. Ce dernier se reprit tout aussi rapidement et lança un regard furieux à Cain.

— Tu veux te battre ? Bien, cracha Amaury. Battons-nous.

Avant que le dernier mot ne fût prononcé, un poing vint cogner le visage de Cain, lui fouettant la tête sur le côté. La douleur irradia dans son corps et le fit se sentir plus vivant qu’il ne l’avait été tout au long de cette année écoulée. C’était mille fois mieux que cette sensation d’engourdissement et de vide qu’il ressentait.

En un grognement, Cain menaça Amaury des poings et délivra coup après coup. Mais l’énorme vampire n’était nullement disposé à servir de punching-ball. Il riposta à chacun d’eux, alternant coups de pieds et coups de poings. Malgré sa stature, il était plus agile sur ses pieds qu’on n’aurait pu le deviner.

Cain se laissa guider par son instinct. Il se savait un combattant remarquable et, dans ce duel à mains nues contre Amaury, il sentait que ses compétences étaient supérieures à celles de son patron. Amaury avait dit une chose qui sonnait vrai : chez lui, le combat était inné. Il n’était pas un débutant, et il le prouvait, en ce moment, en rouant Amaury de coups de poings et de pieds, en mouvements habiles et rapides comme l’éclair, tandis que son adversaire se voyait forcé de se défendre.

Un sentiment de satisfaction surgit chez Cain. Cela sembla juste. Voir un autre vampire se soumettre à lui après qu’il l’eût tabassé et montré qui était le plus fort provoqua une étincelle en lui. Comme si une minuscule bougie illuminait quelque chose de son passé. Quelque chose qui se trouvait juste à portée de main. Si proche, et pourtant si lointain à la fois.

Le coup de poing suivant d’Amaury le heurta dans l’estomac et le força à se plier en deux pendant un instant. Un autre coup s’ensuivit, lui confirmant que son moment de contemplation lui avait coûté l’avantage qu’il avait eu précédemment.

— Putain ! grogna Cain, se libérant ainsi l’esprit.

Il évita le coup de poing suivant en pivotant et en sautant derrière son adversaire. Il lança la jambe et toucha Amaury à l’arrière des genoux. Le vampire à la carrure de déménageur perdit l’équilibre et tomba à la renverse avant d’atterrir lourdement sur le béton.

La poitrine d’Amaury expulsa un souffle, mais déjà, il tentait de se relever. Cain fut plus rapide. Il atterrit sur lui, l’épinglant au sol, tandis qu’Amaury, sous le choc, le fixait soudain du regard.

Cain mit une seconde à réaliser ce que son collègue observait.

Horrifié, Cain eut un mouvement de recul et se mut vers l’arrière afin de libérer son collègue, tandis que, incrédule, il observait sa propre main. Il y tenait un pieu. Un souffle irrégulier lui déchira la poitrine. Il n’avait même pas remarqué avoir extirpé son pieu de la poche de sa veste.

— Merde ! jura-t-il en le laissant tomber à terre.

Amaury se rassit.

— Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi rapide que toi.

Cain se passa une main tremblante sur le visage.

— Je ne voulais pas—

Les sonneries simultanées de deux téléphones portables lui épargnèrent de finir sa phrase. Avec automatisme, il sortit son téléphone de sa poche afin d’y jeter un œil.

Problèmes au End Up. Suspicion de vampires impliqués, disait le texto. Acceptez ou refusez, apparut à l’écran, un instant plus tard.

Le End Up était une boîte de nuit populaire au sud du district du Market. D’expérience, Cain savait que ce pouvait être un point chaud. Mince ! La plupart des boîtes de nuit de la ville l’étaient.

— Merde ! jura Amaury, lequel avait visiblement reçu le même message.

Leurs regards se rencontrèrent.

— Tu es avec moi ? demanda Amaury.

Ce n’était pas un ordre, mais bien une requête que Cain lisait dans les yeux de son collègue vampire. Cela faisait toute la différence.

— Allons botter quelques culs, répliqua Cain en se relevant avant de tendre une main à Amaury.

Ce dernier afficha un sourire.

— Ils n’auront aucune idée de ce qui les aura frappés.

4

 

Une bruyante musique techno émanait depuis la porte du End Up, laquelle était gardée par un videur aux bien trop nombreux tatouages sur le visage, le cou et les bras. Une foule de jeunes faisait la queue en attendant de pouvoir rentrer.

Sans hésitation, Cain suivit Amaury, tandis que celui-ci remontait la file d’attente avant de s’arrêter devant le videur en ignorant les protestations verbales des habitués qui attendaient.

— Hé, faites la queue ! se plaignit l’un d’entre eux.

Cain se tourna, laissant Amaury faire ce qu’il avait à faire auprès du videur et lança un regard furieux au gamin qui avait osé protester.

— Affaire officielle. Alors, ne t’en mêle pas, petit voyou.

Sans attendre de réponse, il se retourna juste au moment où le videur faisait un signe, les invitant, Amaury et lui, à rentrer.

La chose qu’Amaury avait faite était une petite astuce connue sous le nom de contrôle de l’esprit. Chaque vampire possédait cette faculté réputée, depuis toujours, pour ne fonctionner que sur les humains. Toutefois, ils avaient récemment découvert, à leurs dépens, qu’il y avait des vampires capables d’exercer ce contrôle de l’esprit sur ceux de leur espèce. À la connaissance de Cain, ces derniers avaient tous été éradiqués. Tous sauf un : Thomas, le chef du service informatique de Scanguards. Et heureusement, Thomas, lequel était absolument dévoué à cette compagnie, était l’une des créatures les plus douces que Cain eût jamais rencontrées. Presque aussi dévoué qu’il ne l’était envers son compagnon de sang-mêlé, Eddie.

Cain entra dans la boîte de nuit, sa vision s’ajustant instantanément à l’obscurité ambiante. La vision d’un vampire était supérieure à celle d’un humain, et il pouvait tout voir aussi nettement que si l’endroit était éclairé tel un sapin de Noël. Le bruit était assourdissant et, malheureusement pas quelque chose qu’il pût aisément estomper.

Il ne fut pas difficile de voir pourquoi Scanguards avait reçu un appel d’un de leurs informateurs. Ces derniers étaient des humains dignes de confiance ou des vampires en civil qui restaient à l’écoute afin d’alerter Scanguards à propos de tout problème devant être pris en charge immédiatement.

Tandis que Scanguards était principalement une compagnie qui fournissait des gardes du corps et tout autre personnel de sécurité aux politiciens, célébrités, dignitaires étrangers et autres riches personnalités, le maire de San Francisco, lui-même un hybride, mi-humain et mi-vampire, les avait récemment engagés en tant qu’unité clandestine de sécurité dont ses forces de police n’avaient même pas connaissance. En tant que telle, Scanguards était à présent chargée d’éradiquer les problèmes que les officiers de police humains ne pouvaient traiter tant ils étaient mal équipés.

Amaury désigna le coin le plus éloigné, lequel était presque plongé dans la plus complète obscurité.

— Je les vois, répondit Cain.

Se frayant un chemin à travers la foule des danseurs présents sur la piste, celle-ci occupant la moitié de la boîte de nuit, Amaury fonça tout droit, Cain sur les talons. Il ignora les regards aguicheurs qu’il recevait de certaines femmes devant lesquelles il passait.

Les trois voyous semblaient planer mais, au moment où il posa les yeux sur eux, Cain sut que l’alcool et la drogue n’y étaient pour rien. Après tout, ceux-ci n’avaient aucun effet sur un vampire. Seul du sang, en grande quantité, pouvait faire planer un vampire. Soit en grande quantité, soit intoxiqué. Le genre de sang qui coulait dans les veines d’Ursula, la compagne de son collègue, Oliver. Mais à la connaissance de Cain, toutes les femmes possédant ce sang spécial capable de droguer un vampire avaient été éloignées de San Francisco et pourvues de nouvelles identités.

Il s’avérait que les trois jeunes s’étaient accordés une trop grande quantité de cette bonne chose.

Cain échangea un rapide regard avec son collègue.

— Tu te fous de moi.

Amaury grogna.

— Pourquoi est-ce que c’est toujours moi qui me coltine le babysitting ? Ai-je l’air d’un putain d’instituteur de maternelle ?

— Eh bien, sortons-les avant qu’ils ne causent d’autres ennuis.

Les trois vampires ne les avaient pas encore repérés tant ils étaient occupés avec leurs proies, trois femmes en petite tenue ne devant pas avoir plus de dix-huit ou dix-neuf ans. Et qui ne savaient visiblement pas où elles mettaient les pieds. Elles n’avaient absolument pas à se trouver dans ce club. Imaginer la manière dont elles étaient passées devant le videur censé vérifier leurs cartes d’identité était pure conjecture.

Cain dut le concéder aux trois vampires : ils avertissaient leurs potentielles victimes. Des lettres d’un rouge vif étaient imprimées sur leurs t-shirts noirs : Je suis un vampire. Approchez-vous, et je vous mordrai.

Les trois gonzesses n’avaient visiblement pas tenu compte de cet avertissement.

— Putains de malades, jura Cain en attrapant une des sangsues et en la soulevant d’une façon telle que cette dernière dut relâcher la femme dans laquelle elle était sur le point d’enfoncer ses canines.

Une protestation de surprise émana du vampire en guise de réponse, tandis que la fille retombait sur le canapé modulaire, ses yeux vitreux témoignant du fait que le vampire avait employé le contrôle de l’esprit sur elle afin de la rendre inconsciente à ce qui allait lui arriver.

Du coin de l’œil, Cain observa Amaury neutraliser les deux autres de la même façon, faisant à peine usage de la force, tandis que les deux voyous se débattaient sous sa poigne.

— C’est quoi ce bordel ? jura celui qui était retenu par Cain.

— Ouais, je pourrais dire la même chose ! gronda Cain. Rétracte tes putains de canines, conard !

Le type ne s’y conformant pas immédiatement, Cain lui asséna un coup de genou dans le dos et le força à se pencher vers le bas tout en lui pliant les bras vers l’arrière de sorte à ce que l’idiot en perdît l’équilibre et tombât face en avant sur le sol. Cain appuya sa botte sur le cou du gars, lui pressant la joue contre le sol.

— Maintenant, laisse-moi traduire ça dans une langue que tu comprends : rétracte tes putains de canines, ou je te les arrache de ta bouche !

— Tu ne peux pas, dit son prisonnier.

— Regarde-moi !

— Pose une main sur moi, et le maire aura ta peau ! clama l’imbécile, le regardant furieusement de ses yeux rouges.

Cain jeta un coup d’œil vers Amaury.

— Tu connais ce voyou ? Il prétend que le maire va le protéger.

Amaury lui lança un rapide regard, tandis que les deux vampires sous sa poigne continuaient toujours de se débattre.

— Putain, mais vous voulez bien arrêter ? les commanda-t-il. Ah, et puis merde.

Avec amusement, Cain observa la façon dont Amaury cogna simplement la tête des deux vampires l’une contre l’autre, anéantissant ainsi instantanément leur résistance.

— Vous devriez apprendre à écouter. Vos mères ne vous ont rien appris ? demanda Amaury avant de tourner de nouveau la tête vers Cain. Bon, qu’est-ce que tu disais ?

Mais avant que Cain n’eût pu répondre, le vampire étendu à terre l’ouvrit à nouveau.

— Mon oncle vous bottera le cul si vous me faites du mal.

Cain échangea un regard avec Amaury.

— Tu veux le dire à notre invité ou dois-je le faire ?

Amaury simula une révérence.

— Vas-y. J’aime observer.

Cain s’accroupit à côté du jeune vampire.

— La situation est celle-ci, mon pote. Le maire nous a envoyés pour nettoyer et, devine quoi : c’est toi le déchet.

Le vampire écarquilla les yeux.

— Je n’ai pas fini, donc ne pense même pas à m’interrompre, l’avertit Cain, quoique sa voix ne fût pas aussi glacée que précédemment.

Il devait admettre qu’il s’amusait, à présent. Travailler pour Scanguards avait ses avantages, tout comme donner une leçon à un trou du cul.

— Les deux nuls qui te servent d’amis, ici, et toi…

Il tourna brusquement la tête en direction des deux vampires dont la tête pendait à présent telle la queue entre les pattes d’un chien.

— …serez emmenés cette nuit dans une chouette et confortable cellule où vous pourrez cuver. Et une fois que vous serez sobres, le maire vous rendra une visite et décidera de votre sanction.

Il souleva l’abruti par sa chemise.

— Parce que, crois-le ou pas, porter de stupides t-shirts mentionnant que vous êtes des vampires et mordre les gens en public n’est pas quelque chose que nous tolérons, ici, à San Francisco. Vous pouvez peut-être vous comporter de la sorte dans le trou à rats d’où vous venez, mais pas dans notre secteur.

— Il ne me punira jamais ! dit le vampire en plein défi.

— Oh, je vois, tu aimes parier.

Cain sourit à Amaury.

— Tu veux te faire vingt billets facilement ?

Amaury gloussa.

— Ce serait comme prendre le lait d’un bébé. J’ai le sens de l’éthique.

Cain lui adressa un clin d’œil.

— J’oublie tout le temps.

Il effaça ensuite le sourire affiché sur son visage et lança un regard furieux à son captif.

— Maintenant, bouge ton putain de cul d’ici ou je vais réellement m’énerver.

Les deux autres vampires semblèrent frissonner au ton autoritaire de sa voix, mais le neveu du maire serra les mâchoires. Il regarda derrière Cain, comme s’il cherchait une sortie de secours.

— N’y pense même pas, l’avertit Cain.

Lorsque l’idiot se précipita vers une des filles en tentant malencontreusement de l’utiliser comme bouclier ou comme otage, Cain en eut assez. Il sauta et enroula un bras autour du cou du gamin, effectuant une prise d’étranglement. Pendant quelques instants, le neveu du maire lutta en tentant de faire usage de ses mains pour se débarrasser du bras de Cain, mais pas même ses griffes enfoncées dans l’avant-bras de celui-ci n’empêchèrent le garde du corps de le décourager dans sa tentative de provocation.

Ce ne fut que lorsque le gamin se laissa aller dans ses bras que Cain relâcha la pression. Quoique les vampires pussent perdre connaissance lorsqu’ils manquaient d’oxygène, ils ne pouvaient mourir d’un manque d’air.

Amaury haussa les épaules.

— Tu l’as mis KO, tu le portes.

Cain secoua la tête.

— J’ai une meilleure idée. Vous deux, vous le portez, ordonna-t-il en désignant les deux autres vampires.

— Vous l’avez entendu, consentit Amaury en désignant le fond de la boîte de nuit. Sortie arrière. Maintenant.